Cet article fait partie d'un ensemble de ressources élaborées par l'académie de Strasbourg sur la thématique de la pensée critique, proposant
Des pistes au quotidien , Des activités ciblées , Des parcours pour approfondir et une Boîte à outils
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L’analyse de débats illustrée par l’exemple de la vaccination contre la grippe
Un des sujets soumis le plus à des controverses d’origine socio-techniques est la vaccination. Bien que l’efficacité de la vaccination ou l’absence de déséquilibre entre bénéfices et risques ne soient pas remises en question par des débats scientifiques, il n’en demeure pas moins que ces sujets sont très médiatisés et que des médias anti-vaccinations fleurissent de plus en plus. C’est pourquoi il a été choisi d’illustrer cette ressource à l’aide de l’exemple de la vaccination contre la grippe.
Trois types d’activités sont proposés dans cette ressource :
- Des activités pour découvrir la notion de controverse : elles ont pour objectif de faire découvrir aux élèves à travers quelques documents l’histoire des controverses concernant la vaccination et de se rendre compte du poids des croyances dans celles-ci.
- Des activités pour revoir les méthodes d’analyse de corrélations : elles permettent à l’élève de faire un état des lieux des faits scientifiques actuels au sujet de la vaccination contre la grippe tout en faisant un rappel de toutes les méthodes vues depuis la sixième qui sont nécessaires pour aborder l’analyse de débats.
- Une activité d’analyse du niveau de preuve des allégations lors d’un débat pour identifier des controverses : il s’agit d’analyser des débats ou des discours argumentés. Une méthode simplifiée d’analyse est proposée pour permettre aux élèves d’identifier quelques stratégies de base à acquérir.
Afin de permettre aux enseignants d’élaborer des documents qui serviront aux élèves pour établir les faits scientifiques nécessaires à l’analyse des débats, un certain nombre d’études simplifiées seront présentées et analysées. Ces documents pourraient être utilisés tels quels auprès des élèves si un travail de préparation à l’analyse de ce type de documents a déjà été effectué auparavant (pour illustrer une façon d’y parvenir, consulter par exemple la ressource «La validation d’hypothèses au cycle 4 sur le thème de l’équilibre alimentaire et du microbiome» - Waag, 2016).
Ces documents peuvent sinon être adaptés de différentes façons pour faciliter leur appréhension. La ressource propose de nombreuses activités. L’ensemble ne pourrait bien évidemment pas être traité au cours d’une seule année scolaire si l’on souhaite suivre les programmes officiels. Il est donc nécessaire de faire des choix en fonction des élèves que nous avons en face de nous.
Objectifs de cette ressource
- Proposer des documents dont le niveau de preuve puisse être évalué le plus précisément possible par les élèves.
- Permettre aux élèves d’évaluer facilement des controverses.
- Mettre en évidence de nombreuses possibilités de controverses socio-techniques mais aucune controverse scientifique avec les données actuelles concernant le bénéfice de la vaccination pour lutter contre les pandémies.
- Argumenter les bénéfices de la vaccination contre le virus de la grippe.
Pré-requis
S’adresser à des élèves sachant :
- proposer des corrélations scientifiques.
- identifier un niveau de preuve.
1. Des activités pour découvrir la notion de controverse
Une controverse socio-technique et scientifique : les expériences de Jenner
Depuis l’invention de la vaccination, le public manifeste de la peur voir de l’hostilité vis-à-vis de cette méthode préventive qui a pourtant fait largement ses preuves. À chaque nouveau vaccin, des théories du complot visant notamment à faire croire que l’industrie pharmaceutique domine les décisions politiques dans le monde amènent le public à se méfier de ces importantes découvertes.
L’origine de cette peur pourrait peut-être être en partie expliquée par la façon dont les premières expériences scientifiques de vaccination ont été menées.
Dans les années 1770, alors que les études épidémiologiques n’existaient pas telles qu’on les connaît actuellement, Jenner s’est basé sur le constat anecdotique que les trayeuses de vaches survivaient à des symptômes anormalement faibles de la variole, pour réaliser une expérience risquée qui consistait à inoculer la vaccine à un enfant puis de l’exposer à la variole.
La publication de Jenner fut une description du suivi sur plusieurs mois de 23 cas vaccinés puis inoculés avec la variole (Jenner, 1798). Ces résultats furent confirmés par Pearson par un suivi démarré en 1799 des expériences de vaccination au niveau national (Baron, 1838).
Une autre expérience fut menée en 1777 par George Washington (Foege, 2011) qui fit vacciner les troupes américaines contre la variole à une époque où l’armée anglaise les dominaient sur ce point car ils avaient pu survivre à des épidémies et acquérir ainsi une immunisation utile en temps de guerre. Cependant cette pratique ne fut pas sans conséquences puisque des soldats sont morts de cette vaccination même si la guerre contre les Anglais fut gagnée.
Woodwille fit également une expérience de vaccination sur 600 personnes en 1799 (Baxby, 1981). De nombreuses personnes ont développé des éruptions cutanées de variole après le test d’inoculation. On pense que des erreurs dans la préparation du matériel de vaccination sont à l’origine de ces résultats (Crookshank, 1889). En effet, on utilisait toujours le même bistouri pour la vaccination et l’inoculation de la variole. Des confusions entre les lésions de la vaccine et de la variole étaient également faites lorsqu’il s’agissait de récupérer l’inoculat. Des controverses socio-techniques et scientifiques sont donc apparues à cette époque.
Il pourrait être intéressant d’aborder ces controverses par une analyse d’illustrations de cette époque (ainsi que des données ci-dessus).
On pourrait par exemple demander aux élèves de faire un petit travail de recherche sur les expériences de Jenner afin d’expliquer le tableau présenté dans le document 1 et de faire une analyse de l’illustration du document 2.
Il serait ainsi possible d’amener les élèves à appréhender le principe de la vaccination mais aussi de revenir sur la notion de niveau de preuve. Les élèves pourront également se rendre compte du poids des croyances dans les controverses en analysant la caricature. Ils seront également à même de comprendre l’origine de ces croyances (protocole de Jenner éthiquement discutable, erreurs à l’origine de morts dans les expériences).
Une controverse socio-technique et scientifique : la campagne de vaccination contre la grippe de 1976 aux USA
Alors que la variole tuait 400 000 personnes chaque année en Europe au XVIIIe s. et qu’un tiers des survivants devenait aveugle (Barquet, 1997), l’éradication de cette maladie a fait oublier ses conséquences au public. Ainsi l’inconfort pouvant être ressenti et les rares cas de complications graves constatés ont amené les populations à se méfier de la vaccination surtout lorsqu’il s’agissait de réaliser la fameuse piqûre chez les enfants. Un grand pas pour la mobilisation anti-vaccinale fut fait lorsqu’une nouvelle souche de virus de la grippe fit son apparition, le virus de la grippe porcine qui ne pouvait être différencié à l’époque de celui de la grippe. Une relation temporelle forte entre la campagne vaccinale de masse aux USA de 1976 et la survenue de syndromes de Guillain-Barré a été constatée (Schonberger, 1979). De plus, suite au moratorium, le nombre de cas de syndromes de Guillain-Barré a immédiatement diminué (Freedman, 1999). Malgré les nombreux biais rapidement constatés comme la méthode utilisée pour diagnostiquer les cas de syndrome de Guillain-Barré (pas de critères établis par le CDC pour les personnels de santé, pas de copies de compte-rendus médicaux, une variabilité importante des qualifications des personnes faisant le diagnostique, pas toujours de suivi des patients, pas d’évaluation neurologique standardisée des dossiers cliniques) et l’absence de résultats concordants avec une étude menée dans l’armée (Kurland, 1985), une forte controverse à la fois socio-technique et scientifique est née.
Cette notion de controverse peut être abordée par une étude de photographies de 1976 illustrant la façon dont la vaccination était perçue. Un exemple est proposé dans le document 3. L’objectif pourrait donc être de faire définir par les élèves la façon dont était perçue la vaccination à cette époque. Ce constat pourrait être ensuite confronté aux données mettant en évidence l’efficacité de la vaccination pour éradiquer la variole. Des données adaptées sont proposées dans le document 4A à C qui permettent de proposer un lien entre la vaccination et l’éradication de la variole. L’origine de la controverse scientifique des années 70 au sujet de la vaccination peut être abordée à l’aide du document 5 qui permet d’établir une relation temporelle forte entre la survenue du syndrome de Guillain-Barré et la vaccination.
Il est possible à partir de ce document de faire calculer par les élèves des risques relatifs par comparaison des valeurs de chaque courbe (les résultats sont indiqués dans la figure 1).
Il est important de constater à ce niveau de notre démarche que malgré l’existence à cette époque d’une controverse scientifique sur l’existence ou non d’un risque de syndrome de Guillain-Barré associé à la vaccination, que celle-ci ne porte pas sur un déséquilibre entre les bénéfices et les risques de la vaccination. En effet, le risque était de 1 cas pour 100 000 vaccinations face à un risque de pandémie grippale (Schonberger, 1979).
2. Des activités pour revoir les méthodes d’analyse de corrélations
Les sources de doute du public vis-à-vis de la vaccination ayant été établies (poids des croyances, expériences historiques manquant fortement de rigueur et posant de nombreux problèmes éthiques, manque de précision dans les études épidémiologiques concernant la vaccination dans les années 70 face à une maladie méconnue,...), il est possible d’aller plus loin avec les élèves en tentant d’établir les faits suivants avec le niveau de preuve atteint actuellement d’après les récentes revues de la littérature :
- La vaccination contre la grippe est efficace pour permettre l’immunisation contre le virus de la grippe (niveau de preuve : nombreuses études épidémiologiques avec des effectifs suffisants, essais cliniques, expériences sur les animaux et des études chez les humains aux résultats similaires à ceux obtenus dans les expériences animales, des mécanisme biologiques incomplets).
- Les risques associés à la vaccination sont extrêmement faibles (nombreuses études épidémiologiques avec des effectifs suffisants, des mécanismes biologiques incomplets).
Pour illustrer les liens qui caractérisent ces deux faits, différents supports sont proposés afin d’envisager des activités ayant pour but de développer chez l’élève différents regards critiques vis-à-vis des données scientifiques (voir figure 2).
Par ailleurs les sujets ont été choisis afin de permettre aux élèves d’adopter un esprit critique pour des thèmes très médiatisés (le risque de syndrome de Guillain-Barré, l’efficacité de la vaccination contre la grippe chez les personnes âgées,...).
Proposer des liens grâce aux courbes de régression
En classe, nous utilisons très fréquemment des graphiques afin d’établir des liens entre deux paramètres (par exemple, lorsqu’on étudie les effets de l’intensité des efforts physiques sur le fonctionnement des organes). C’est l’occasion de faire découvrir aux élèves l’analyse de la force d’un lien. Dans les différents exemples d’activités de construction de graphiques, lorsque les données sont mesurées par les élèves et qu’elles sont en assez grande quantité, il est possible de leur faire découvrir la situation où des points seront bien alignés (le lien établi sera donc fort) et où les points ne seront pas bien alignés (le lien sera plus faible). Dans le cas de la vaccination, il est possible d’appliquer à nouveau de façon assez simple cette méthode d’analyse et de voir son intérêt dans une analyse critique. Le document 6 correspond aux résultats d’une étude mentionnée par un intervenant du débat analysé dans la dernière partie de cette ressource et positionné contre la vaccination. Il est intéressant de faire constater aux élèves que l’auteur est arrivé à la conclusion que le risque de mortalité infantile augmenterait en fonction du nombre de doses vaccinales administrées alors que l’analyse de graphique que nos élèves peuvent faire les amène en fait à identifier qu’il ne pas être démontré un lien causal avec des données qui ne correspondent à pas des mesures d’exposition individuelle au vaccin.
Avoir un regard critique sur les sources d’un document à priori scientifique
Un des éléments clés pour discuter du niveau de preuve d’une étude est de vérifier en premier lieu que l’objet de notre étude provient d’un article scientifique. En vérifiant la nature de la revue où sont publiées les données, il est possible de se faire une idée. En étudiant la bibliographie et la profession de l’auteur, on peut également se faire une idée assez précise de la nature du document sur lequel on travaille. Un auteur que l’on peut considérer comme scientifique apte à traiter d’un sujet donné doit afficher un scepticisme initial. Dans le cas de l’extrait d’article «scientifique» présenté dans le document 6, un simple travail de recherche sur internet (voir figure 3) permettra à l’élève d’identifier que l’auteur est engagé dans une association anti-vaccinale et risque d’être moins objectif.
L’analyse de biais dans les études pour prendre de la distance avec les valeurs chiffrées
Dans l’exemple de la campagne de vaccination de 1976, nous avons pu voir les biais majeurs de l’étude qui avait mis en évidence une forte augmentation du nombre de cas de syndrome de Guillain-Barré. Malgré tout, nous n’avons pas pu arriver à une conclusion totalement satisfaisante pour ce sujet. Afin d’identifier un éventuel lien entre cette maladie et la vaccination, il est indispensable de travailler sur de nombreuses études épidémiologiques (voir Waag, 2016 concernant la démarche de validation d’une hypothèse). L’interprétation de valeurs dans ces études nécessite de prendre beaucoup de précautions. Ce travail n’est cependant pas totalement inaccessible pour des élèves. Différentes déclinaisons d’une revue de la littérature sont proposées dans le doc.7. Pour chaque variante, des tâches et des objectifs sont proposés (voir figure 4).
Dans la première variante (qui peut être encore allégée en indiquant seulement les risques relatifs par étude), il s’agit de constater que le risque de syndrome de Guillain-Barré est plus élevé lorsqu’on est vacciné, si on s’intéresse aux deux premières études. Les autres données par contre, permettent de constater qu’au cours de certaines années ce risque est diminué lorsqu’on est vacciné. Le fait que la vaccination puisse à la fois augmenter et diminuer ce risque, n’a à priori pas de sens. Il faut faire intervenir des biais de saisonnalité et un facteur de confusion, comme l’effet d’une infection par le virus de la grippe sur le déclenchement des réactions auto-immunes. Bien entendu, cette dernière proposition ne sera pas formalisée par des élèves de troisième. Cependant, des tentatives d’explication révéleront que les élèves auront pu appréhender de façon intuitive la problématique de biais qui se pose. La donnée de l’étude de Stowe en 2009 présente dans le tableau pourrait servir d’indice pour les élèves.
Par ailleurs, il est également possible de leur faire constater sans difficulté que les risques recensés sont bien inférieurs aux valeurs trouvées dans le doc. 5 pour la campagne vaccinale de 1976 aux USA (risque relatif supérieur à 15). Il est intéressant également de constater les proportions d’individus atteints du syndrome dans la population. On pourra préciser qu’en France, il y a 2,4 cas pour 100 000 personnes par an qui sont atteintes de ce syndrome. La grippe quant à elle est responsable de 1 500 à 3 000 décès par an en France (en 2014, il y a eu une mortalité exceptionnelle de 18 300 décès). Par ailleurs en Afrique sub-saharienne, jusqu’à 650 000 décès par an sont dus à la grippe saisonnière. Le risque lié à la vaccination semble donc bien faible s’il en existe effectivement un.
Dans la deuxième variante, une liste de biais est déjà proposée. Il pourrait s’agir pour l’élève de rédiger un discours argumenté au sujet du lien éventuel entre vaccination et survenue du syndrome.
Dans la dernière variante, les biais ne sont pas indiqués mais des données complémentaires (doc. 7C) peuvent permettre aux élèves de les envisager. Le biais mis en évidence ici est un facteur de confusion qui correspond à la survenue des syndromes grippaux à la même période. D’autres biais peuvent être proposés par l’étude du doc .7A (en comparant les deux premières études aux autres ou en regardant attentivement la conception des études de Hughes, 2006 et Stowe, 2009).
Comprendre comment des biais peuvent être contournés par les essais cliniques
Comme nous l’avons vu dans le cas du syndrome de Guillain-Barré, de nombreux biais dans les études rétrospectives compliquent les interprétations des résultats pour proposer des corrélations.
L’exploitation d’une méta-analyse peut apporter des éléments qui facilitent l’établissement de corrélations en augmentant le nombre de cas lorsque le protocole a été reproduit. Ceci peut être mis en évidence par un travail avec les élèves en questionnant le lien entre risque de mort subite du nouveau-né et l’immunisation. On arrive facilement avec les données du doc. 8 à mettre en évidence que la vaccination diminue ce risque. En effet les risques relatifs sont presque tous bien inférieurs à 1.
Dans le cas de la mise en évidence de l’efficacité de la vaccination chez les personnages âgées, les méta-analyses semblent par contre indiquer qu’il est impossible de proposer des corrélations du fait de biais particuliers (voir doc. 9A: on n’obtient pas une courbe reliant la fréquence de morbidité et le taux de vaccination). Il peut être intéressant de travailler sur ce sujet avec les élèves afin qu’ils comprennent qu’il est important de faire un suivi sur une longue période pour pouvoir mettre en évidence des biais (avant, pendant et après les épidémies grippales). L’exploitation du document 9B permet de constater que la vaccination est associée à une réduction de 44 % de la mortalité pendant l’épidémie mais de 61 % avant l’épidémie de grippe. Cette diminution du risque avant la saison de la grippe reflète la présence de biais. Ce biais correspond en fait à un choix préférentiel des personnes âgées en bonne santé de se faire vacciner (Jackson, 2006).
Il serait ensuite formateur d’exploiter le doc. 10 qui présente les conditions et résultats d’un essai clinique visant à établir un lien entre la vaccination et la protection contre le virus de la grippe chez les personnes âgées.
Proposer des liens en se référant à des mécanismes biologiques : l’exemple de l’efficacité de la vaccination contre la grippe
Pour atteindre un niveau de preuve satisfaisant concernant une allégation, il est nécessaire de proposer des mécanismes biologiques confirmant le lien mis en évidence par des essais cliniques et des expériences in-vitro.
Il est possible, dès la troisième, de faire analyser des essais cliniques pour mettre en évidence que la vaccination contre la grippe entraîne une production d’anticorps dirigés contre deux types d’antigènes et que ces anticorps sont efficaces pour empêcher l’infection (doc. 11 A et B). Des études chez les souris permettent d’établir que le mode d’action des anticorps correspond à une fixation sur ces antigènes (doc. 11C) et qu’ils permettent selon des études in vitro chez l’Homme d’empêcher la formation de protéines virales (doc. 11D). Un travail de schématisation peut être envisagé afin de modéliser ce mécanisme (cf. figure 5).
Proposer des liens en se référant à des mécanismes biologiques : l’exemple du lien entre vaccination et les réactions auto-immunes
L’une des plus grandes angoisses du public concernant la vaccination contre la grippe est l’éventualité d’un lien causal avec le syndrome de Guillain-Barré. Nous avons vu qu’une association temporelle forte avait été source d’inquiétudes dans les années 70 (cf. doc. 5). Malgré les importants biais expliquant l’aberrance des résultats excessifs de calculs de risques relatifs, le public n’a pas été rassuré. Il l’a été encore moins avec les études épidémiologiques qui ont suivi car elles nécessitaient une analyse critique avec beaucoup de recul surtout lorsqu’en 2009, aux USA, une nouvelle association temporelle forte a été constatée. Malgré les nombreuses données épidémiologiques permettant d’être rassurés (cf. doc. 7C), il a été proposé que la vaccination anti-grippale induirait des phénomènes auto-immuns (Segal, 2018). Un résumé d’une revue de la littérature à ce sujet est proposé dans le doc. 12A et permet de se faire une idée de ce que peut être une synthèse sélectionnant de façon trop restreinte la littérature disponible pour servir un propos. On se rend compte qu’une expérience importante chez des souris est mentionnée pouvant mettre en évidence un effet de mimétisme moléculaire à l’origine de réactions auto-immunes (doc. 12B). Par contre, des analyses cliniques et des tentatives de reproduction des expériences chez les souris n’ont pas été prises en compte dans le discours alors que les résultats révélaient une absence de lien entre la vaccination et la production d’anticorps impliqués dans des réactions auto-immunes (doc. 12 C). Un travail de synthèse peut être réalisé avec des élèves de lycée sur ce sujet en exploitant dans un premier temps les doc. 12A et B puis dans un deuxième temps les doc. 12 C et D. Les conclusions obtenues amènent alors à une notion de controverse scientifique. Il est également important de faire comprendre aux élèves que cette controverse ne peut nourrir une crainte déraisonnable vis-à-vis de la vaccination puisque de nombreuses données épidémiologiques suggèrent une diminution du risque de syndrome de Guillain-Barré suite à la vaccination du fait de son effet protecteur contre le virus de la grippe potentiellement responsable de syndrome de Guillain-Barré (cf. Tam, 2007 - Lehmann, 2010 et Vellozzi, 2014).
Lors de débats ou de discours argumentés, les intervenants effectuent souvent une revue de la littérature. Il est intéressant de constater que ces revues peuvent facilement être utilisées pour donner du poids à un argumentaire puisqu’il s’agit souvent d’une sélection non exhaustive et biaisée de données scientifiques. Dans les revues de la littérature de magazines scientifiques « sérieux », le problème reste le même car leurs auteurs ne sont pas spécialisés dans l’ensemble des domaines qu’ils traitent. En terminale, le travail proposé peut donc être intéressant car il pourrait préparer nos élèves aux années de fac qui les attendent au cours desquelles ils seront amenés à réaliser des revues de la littérature.
3. Une activité d’analyse du niveau de preuve des allégations lors d’un débat pour identifier des controverses
L’objectif final de cette ressource est de proposer une méthode et des activités permettant à des élèves de troisième et lycée d’analyser des affirmations faites par exemple lors de débats ou proposées dans des discours ou textes argumentés.
L’activité proposée peut être de demander aux élèves d’analyser un extrait vidéo de débat (l’exemple suivant exploite par l’émission « Pour ou contre : Grippe : Faut-il se faire vacciner ? » diffusée sur RTL TVI).
La méthode en quatre étapes proposée ici (figure 6) est menée en exploitant les données du chapitre 2 de cette ressource.
Il est possible d’adapter les attendus en fonction de ce qui aura été travaillé avec les élèves. Il est cependant indispensable d’avoir établi des faits au sujet de l’efficacité de la vaccination contre la grippe et sur la quantification des risques associés.
Dans la plupart des débats comme celui qui est proposé ici, il est également très intéressant de discuter avec les élèves de certains aspects caricaturaux de l’émission télévisée tout en évitant d’utiliser ces éléments comme des moyens d’analyse critique. En effet, même s’il semble de prime abord plus accessible de faire constater aux élèves qu’il y a un intervenant plus proche du milieu scientifique que l’autre, on risque de faire croire aux élèves qu’une analyse critique reviendrait simplement à identifier l’intervenant scientifique pour déterminer celui qui aurait les meilleurs arguments.
Voici quelques exemples d’aspects caricaturaux de l’émission :
- Dans ce débat, la présentatrice considère qu’un médecin généraliste est un spécialiste de tous les domaines de la science en lien avec la vaccination.
- On retrouve une confrontation entre un individu comprenant le sens des sciences et l’importance de la pondération avec une personne spécialisée dans la communication agressive visant à simplifier à outrance des mécanismes biologiques extrêmement complexes et à citer des données scientifiques mal interprétées.
- On retrouve aussi une présentatrice qui ne maîtrise pas assez le sujet pour savoir réagir au moment opportun.
Conclusion
Il est possible de se rendre compte à travers la démarche proposée ici qu’un travail d’analyse de débat ne peut pas s’improviser avec des élèves. Ils doivent acquérir de nombreuses compétences avant de pouvoir adopter un regard critique même pour un débat aussi caricatural et simple que celui proposé en exemple dans la ressource.
Le document complet téléchargeable comporte 19 documents élèves pour alimenter le débat.