Cet article fait partie d'un ensemble de ressources élaborées par l'académie de Strasbourg sur la thématique de la pensée critique, proposant
Des pistes au quotidien , Des activités ciblées , Des parcours pour approfondir et une Boîte à outils
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Montrer la science masquée par les documents didactisés
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La remise en question d’un consensus scientifique est une des conséquences de la méconnaissance du monde de la science. L’idée que s’en font nos élèves et futurs citoyens peut être améliorée par nos pratiques de classes. Cette ressource propose des idées pour intégrer certains éléments du caractère social et collectif de la science.
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Intentions
La remise en question d’un consensus scientifique associée à une baisse de confiance en la science (et donc au professeur qui l’enseigne), pour certains sujets du moins, est une des conséquences de la méconnaissance du monde de la science, plus que d’un niveau d’éducation ou d’une origine sociale. L’idée que s’en font nos élèves et futurs citoyens peut être améliorée par nos pratiques de classes. Cette ressource propose d’y intégrer, avec une certaine myopie adaptée au niveau d’enseignement quant aux contenus scientifiques, certains éléments du caractère social et collectif de la science présentés dans la ressource De l’idée au savoir (rubrique Boîte à outils de ce site).
Introduction
Sans aller jusqu’à défendre l’idée absurde que l’éducation est nuisible à la diffusion de la connaissance, de nombreuses études ont montré qu’il n’y a pas de corrélation linéaire entre niveau de diplôme et rejet de la science, voire même une relation inverse (avec toutefois un tableau plus nuancé mais pas nul suivant le domaine pour ceux qui ont atteint le supérieur scientifique, cf. figure 1) : on peut l’expliquer par une certaine disponibilité mentale, les croyances étant rendues plausibles par des connaissances superficielles, et par un certain relativisme (tous les discours se valent, les propositions scientifiques n’ayant pas plus de légitimité que d’autres) et donc une baisse de confiance en la science, permis là aussi par des idées superficielles concernant la nature de la science. Ces considérations sont d’autant moins intuitives qu’elles ne concernent que l’un ou l’autre sujet donné qui va à l’encontre d’une opinion du citoyen et pour lequel il est persuadé d’être bien informé, le niveau de confiance en la science restant élevé par ailleurs (1).
Une des solutions généralistes à ces dérives ne résiderait donc pas uniquement dans davantage de vulgarisation de contenus scientifiques, mais dans davantage de vulgarisation de la façon dont se construit le savoir scientifique en rendant le monde de la science plus perceptible à nos élèves, au-delà du filtre du monde des médias ou de celui du corpus documentaire habituellement fourni par le professeur ou du discours du professeur lui-même.
La publication de travaux de recherche scientifique sous forme d’un article de recherche (ou d’une revue de littérature) dans une revue à comité de lecture (associé éventuellement à leur présentation lors d’un congrès scientifique, également soumis à comité de lecture, ou, en amont de façon plus informelle à des collègues) est le moyen principal du chercheur pour mettre à l’épreuve une idée nouvelle appuyée par des faits nouveaux auprès d’autres chercheurs (évaluation par les pairs) et ainsi de contribuer à la construction des savoirs scientifiques (2). Et lorsque les scientifiques ont travaillé sur une idée pendant des années et que ce qu’ils avancent « tient la route » dans la durée (consensus scientifique), alors nous avons de bonnes raisons de leur faire confiance.
Il est donc important de faire part de cette activité collective qui donne toute sa légitimité aux propositions scientifiques et par délégation au professeur qui enseigne ce savoir. Les propositions ci-dessous, au-delà de la rigueur de citer ses sources principales (ce qui est en général demandé à l’élève lors d’un exposé écrit ou oral), sont autant de prétextes pour le professeur pour raconter ce monde de la science. Le plus souvent, l’élément qui en est présenté en classe pourra rester très simple, sous forme d’une approche « myope » sans rentrer dans le détail des contenus. La répétition par un simple affichage à partir d’autres exemples viendra ensuite renforcer des éléments présentés au préalable.
1. Indiquer la référence scientifique d’un document-élève
L’idée est d’afficher les références scientifiques à l’origine de certains documents principaux utilisés en classe (cf. figure 2). Son indication au bas d’un document-élève principal, en précisant, sinon la référence complète de l’article scientifique, du moins l’auteur principal et/ou la revue et l’année, pourra parfois s’accompagner d’un court commentaire oral du professeur, par exemple concernant le nécessaire travail d’équipe à l’origine d’un article scientifique (l’article en ligne permettant d’accéder au labo d’origine des chercheurs), ou concernant un chercheur en particulier, ou encore de la comparaison du document original avec le document didactisé.
2. S’intéresser à la structure d’un article scientifique associé à un document-élève
Un article de recherche est un article montrant un aspect nouveau par rapport aux connaissances actuelles. L’idée est de montrer de façon accessible pour l’élève la structure physique d’un article scientifique (les contenus restant vus pour la plupart en vision myope) afin de pénétrer dans le cœur méthodologique de la science.
On peut souligner que les articles sont en anglais et que la structure est toujours la même, chaque partie ayant son importance, notamment du point de vue de la réfutabilité : titre, résumé, introduction (enjeux, problème et hypothèse), matériel et méthodes (rigueur et reproductibilité), résultats (les faits sous forme de texte et figures), discussion (analyse critique des résultats), conclusion (l’idée nouvelle= le point innovant qui a été démontré par les résultats), conflit d’intérêt, références (prise en compte de l’état préalable des connaissances sur le sujet).
L’article pourra être mis à disposition au format numérique dans l’ENT, par exemple en l’intégrant à un cours Moodle (cf.figure 3).
3. Citer des revues scientifiques à comité de lecture
L’idée est de porter à la connaissance des élèves l’existence de ces revues à comité de lecture dans lesquelles paraissent les articles scientifiques, à partir de l’un ou l’autre exemple en lien avec un sujet abordé, afin de parler de l’évaluation par les pairs, mais aussi de la diversité et de la masse de publications scientifiques actuelles (il existe environ 21000 journaux à comité de lecture pour 1 million d’articles publiés chaque année).
Quelques exemples de revues :
- Nature, est une revue scientifique généraliste, à comité de lecture et publiée de manière hebdomadaire. C’est l’une des revues scientifiques les plus anciennes et les plus réputées au monde. Elle est publiée par le groupe de presse britannique Nature Publishing Group.
- Science est une revue scientifique généraliste hebdomadaire à comité de lecture la plus vendue dans le monde (lectorat total estimé à un million de personnes) qui publie des articles dans tous les domaines scientifique. Elle est éditée par l'Association américaine pour l'avancement de la science (AAAS).
- Cell est une revue scientifique de biologie cellulaire, biologie moléculaire, neuroscience, immunologie, virologie, microbiologie, génétique, physiologie et physiopathologie. Elle est considérée, par les biologistes de toutes spécialités, comme la revue la plus prestigieuse pour publier, devant Nature ou Science qui sont plus généralistes. Elle est publiée par l’éditeur Elsevier, filiale de RELX Group.
4. Évoquer des moments privilégiés d’échanges entre chercheurs : le congrès scientifique (soumis à comité de lecture)
Le congrès scientifique est un mode de diffusion des résultats (publiés) de chercheurs du même domaine sous forme de conférences et de séances de posters, également soumis au préalable au comité de lecture du congrès.
L’idée est de profiter de l’un ou l’autre sujet abordé en classe pour présenter le mode de fonctionnement d’un congrès scientifique. On peut aussi imaginer y rentrer par une mise en situation qui aboutira à des présentations orales en lien avec la réalisation d’un poster scientifique (voir ressource correspondante).
Quelques exemples de congrès :
- Cell la vie, un congrès de biologie cellulaire co-organisé par les sociétés de biologie cellulaire britannique et française à l’Institut Pasteur à Paris.
- ENDO, un congrès qui rassemble des chercheurs et des cliniciens dans le domaine de l'endocrinologie.
- International geological congres. Le Congrès géologique international (IGC) est la prestigieuse plate-forme mondiale pour l'avancement des sciences de la Terre. Fondée en 1878, l'IGC a été placée sous l'égide de l'Union internationale des sciences géologiques (IUGS) en 1961 (http: / /www.iugs.org).Depuis sa création, 35 congrès ont été accueillis par 24 pays à travers le monde à des intervalles de 3 à 5 ans. Au fil des ans, IGC est devenu un événement véritablement mondial. Le dernier congrès a réuni 6012 chercheurs de 123 pays et a vu 3712 présentations orales et 1469 posters scientifiques.
- Une sélection de différents congrès en biologie.
Conclusion : fournir aux élèves des critères pertinents pour évaluer l’information
Comme toujours, il est aussi important d’expliciter à l’élève les intentions de ces présentations et de cet affichage du monde de la science : l’idée est de fournir des critères plus sophistiqués que ceux utilisés de façon spontanée ( par exemple le fait qu’une information soit largement partagée) pour évaluer les contenus de l’information, ici en permettant de mieux apprécier comment la connaissance est produite, et donc de faire d’une proposition issue de la science ( et par délégation du professeur qui l’enseigne) un signal positif fort pour la qualité de l’information.
Dans la même idée, en guise de traces écrites pour l’élève, à mettre assez rapidement en place dans l’année, au début du cahier ou du classeur de l’élève, on pourra s’appuyer sur le schéma de la ressource De l’idée au savoir, à adapter suivant le niveau de classe.
Références
1. Herschel J (1835), Boy D et Michelat G (1986), Renard (2011), Bouchayer (1986), Duval (2002), Cohen (2002), in Bronner G. La démocratie des crédules, pp 275 et suiv. PUF, 2013.
2. Dossier « Comment s’établit la vérité scientifique », Science et pseudosciences, n°318, 2016.
3. Lanot Bertrand, Travailler la capacité Raconter en Histoire-géographie, site de l’Académie de Strasbourg, consulté le 14/04/2020 et plus particulièrement, dans le vade-mecum des capacités en histoire-géographique-éducation civique, la fiche sur la question de l’esprit critique intitulée «Raconter en histoire géographie »